exposition collective / passée
Subito presto #2
Subito Presto est une initiative d'artistes pour faire sortir le travail des ateliers : se donner des moyens en s'organisant ensemble, se donner à voir, en cherchant des alternatives. La 1ère édition a eu lieu l'an passé dans une boutique entre deux attributions. Cette année, Anne-Françoise Jumeau nous invite dans sa galerie : merci.
Cette édition de Subito Presto, accueillie par progress gallery, réunit 11 artistes :
Allison Blumenthal a ce nom incroyable. Elle peint la structure de la matière : des lignes qui seraient communes à la chair et à la roche, d’une échelle à l’autre : des lignes de la main à celles des cellules, de l’affaissement des montagnes aux rides du corps.
Jérome Boutterin : un noyau de couleurs denses, concentrées, d’où s’extrait un dessin, en un geste très rapide qui fuse sur la toile maintenue en réserve. Le geste explose comme une erreur, un égarement, un accident. Écriture ardente, peut-être abstraite.
Catherine Cassidy a l’audace du barbouillage coloré, osé, touffu, savoureux. On voit la joie de la main, la lenteur de la rature : même pas peur. Pas peur de la maladresse, du joli, du dégoût, de l’enfance.
Pascal Casson dessine avec la peinture - en délicatesse sur la fragilité du papier - dans la discrétion à l’opposé du spectaculaire - des circuits oscillant entre l’organique et un tracé géographique plus construit, comme un réseau de routes ineptes.
On ne sait pas où est passé Nicolas Chatelain. Avant, il faisait la peinture comme un soin ou une transformation d’objets trouvés. Qu’est-ce qu’il fait, maintenant ? J’ai vu des dessins qui ressemblaient à des pierres lithographiques, des restes, fluides, des traces de gestes brisés, dérisoires, si gracieux.
Eléonore Cheneau peint la peinture, frontalement, dénudée. Elle désigne sans cesse la surface tout en la peignant, la dresse devant nous comme un miroir vide ou usé. Sa surface a une saveur mélancolique, en touchant parfois le presque rien, une beauté muette.
Et Gabriele Chiari, où est-elle ? Elle fait des espèces de dépôts aquarellés qui semblent parfois à peine là. C’est ainsi qu’ils dégagent leur force. La tache s’expanse, puis un peuple de taches errantes. La couleur file et se dépose en un phénomène de sédimentation existentielle.
Flavie Cournil passe la couleur à toute allure, en un geste dont la porcelaine garde la trace vive, au point de sembler encore humide. Fraîche comme un gardon. Les surfaces qu’elle fabrique en tant que supports de ses peintures - souvent des blocs géométriques tordus - cassent souvent à la cuisson, du fait de leur finesse.
Léo Delarue est sculpteur. Cesse-t-elle, quand elle peint ? Elle crée maintenant des volumes et des espaces énigmatiques à l’aquarelle , à l’encre, à la gouache, à l’opposé du poids antérieur.
Jean-Baptiste Ploix erre entre le papier peint de sa chambre mentale et la construction d’une géographie qui tombe. Son geste fluide, aléatoire, accumulé, crée des cartographies du doute. Des gestes, se contredisant, tissent des structures perméables, osseuses, tramées.
Sylvain Roche ne craint pas la peinture-peinture. Son trait hésite, se reprend, sur un support fragile : de très petits formats qui regardent la longue histoire de la peinture, au travers de plans comme des fenêtres, où l’intérieur et l’extérieur ne font qu’un : seules restent des surfaces peintes.
Chez chacun/e de ces artistes, il y a l’expérience, répétée, du plus complet égarement.
Il semble qu’il n’y ait pas de sujet. Hormis l’acte de peindre. Se confronter à une surface. C’est l’inverse d’un programme. Ils/elles prennent surtout le risque de tout rater. En faisant une peinture qui se cherche au moment-même de se faire, qui ne peut se prévoir sans perdre toute sa saveur. En risquant la pauvreté, elle se confronte à sa définition, à la question de sa propre existence. C’est ce qui les regarde.
Je les réunis surtout pour voir à nouveau leur travail. Qui me semble porter une puissante fragilité. Une beauté incongrue. C’est ce que j’ai besoin de voir.
Claire Colin-Collin